The Transat CIC (Lorient - New York)Après l’avarie sur la Transat Jacques Vabre en fin d’année dernière, la première victoire c’est d’être sur The Transat CIC ?
J’ai dit à l’équipe qu’on pouvait être contents et fiers. Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’on a vécu. On n’est pas un cas isolé. On est tous très nombreux à avoir vécu un vrai parcours du combattant pour être là. On est très heureux d’être là. On a cassé ce bateau neuf. On a vraiment douté d’être là pendant un moment. Quand tu as la casse qui arrive, tu te demandes si tu vas te relever. On voit toujours le plus catastrophique. On est en course depuis deux ou trois ans avec la construction du bateau. On a un état de fatigue important. On n’a pas des regards froids et on est passionnés. L’hiver a été long et laborieux sans le plaisir d’avoir réalisé une transat, le plaisir d’avoir navigué sur ce bateau.
Il y avait de la frustration, maintenant place à la navigation en solo sur cet Imoca à dérives neuf ?
Il a fallu se relancer sur une frustration énorme. On ne s’attendait pas à ça. Je savais que ça pouvait arriver mais je n’y pense pas. Si on y pensait, on ne ferait pas ça. J’ai très très envie d’être en mer et de naviguer seul sur cette machine. Ce bateau me parle énormément. Je suis fatigué, je suis très concentré parce que mon objectif est de me qualifier pour le Vendée Globe.
Justement pour valider votre qualification vous devez impérativement arriver à New York (ou faire New York - Vendée) ?
Ce n’est pas manquer de respect pour cette course parce que cette course compte énormément mais là, je ne veux pas me tromper d’objectif et l’objectif de l’année c’est le Vendée Globe. Il faut arriver de l’autre côté, il faut continuer à développer ce bateau. On est en cours de développement. Pour nous, c’est comme si le temps s’était figé en novembre. C’est comme si on était en novembre, on repart de zéro ou presque.
Est-ce que ça va changer votre façon de naviguer ?
Oui, ça va changer ma façon de naviguer forcément. Je pars dans une course qualificative. Mon seul objectif est d’arriver au bout et dans les temps (50 % de plus que le temps du vainqueur). C’est interdit de casser… sur les deux. Je ne peux pas casser à quelques mois du Vendée Globe. On n’a pas des fonds sans limite, on ne peut pas casser quelque chose d’important et mettre en danger tout le reste. Un grain de sable peut tout enrayer et il ne faut pas se tromper d’objectif. Si je brille maintenant et que je casse sur le Vendée Globe, ce sera un échec. Alors que si je ne brille pas maintenant mais que je réussis mon Vendée, ce sera une vraie réussite.
C’est une transat difficile sur une route nord : est-ce que ça augmente la pression ?
Généralement, quand tu fais ta valise pour une transat, tu mets des shorts, des t-shirts… et si on est bon dans 4-5 jours, on peut les mettre. Là, il n’y a pas ça… ça ne va être que du froid. Ça va être de l’hiver de l’hiver et de l’hiver. On va contre les vents avec des systèmes météo qui sont en début de printemps dans la gueule. Nous, on va vite, les systèmes vont vite. Il va falloir être réactif. On peut avoir du vent fort et de la mer de face. C’est quand même une récompense. Le plaisir, ce sera en mer.
Vous êtes-vous fixés des objectifs sportifs malgré tout ?
Au terme des deux transats (The Transat CIC et New York - Vendée), c’est que je sache bien naviguer sur le bateau, qu’on fasse corps. Je construis toujours des relations avec mes bateaux, j’ai besoin qu’on ait une belle harmonie pour bien naviguer. C’est vraiment important de comprendre mon bateau, de naviguer en solitaire… je reste quand même quelqu’un qui a fait peu de solitaire dans ma vie par rapport aux autres.