On les avait quittées en janvier, à l’aube du second semestre de première année de médecine (PASS), sur le campus de Tohannic, à Vannes. Lola Perna et Ella Cochet, 18 ans, avaient franchi le redoutable concours de premier semestre, et rempilaient, la fleur au fusil, pour quatre mois d’apprentissage frénétique.
On retrouve les sœurs d’armes à une semaine du concours décisif du second semestre, dans le studio de Lola, sous les toits. Les rires sont toujours là, qu’on entend détoner depuis le palier. La porte franchie, la décoration accroche l’œil : les murs sont tapissés de fiches en arborescences, accompagnées de planches anatomiques, pour une infusion subliminale de connaissances : l’oreille moyenne, la hanche, au-dessus du lit de Lola - et toute une porte consacrée au pénis. Pourtant, c’est l’étude du clitoris qui a marqué le duo. « On a appris qu’il faisait 12 cm, intervient Lola. Notre prof, qui est chirurgienne, nous a montré des dissections, des reconstructions, le cas d’une personne transgenre. L’anatomie poussée, c’est très intéressant ». Curieuse, Ella a repris les cours des années précédentes : « le clitoris n’était pas enseigné, c’est chouette que ça ait changé ».
Quand la PASS lasse
En trois mois, les amies ont revu leurs stratégies. L’anatomie approfondie n’aura pas suffi, la lassitude affleure. « Je sais très bien que je n’aurai pas médecine. J’irai au second concours, mais je ne révise plus qu’en semaine », annonce Ella tout à trac, comme dans un coming out. La note du concours du premier semestre, celle qui pèse le plus lourd, l’a située 260 places derrière le dernier admissible. « Ce n’est pas grave. Je reprends une vie normale, et je ne culpabilise pas. Je travaille dans un bar à Carnac le week-end. C’est ma récompense, et le lundi, je prends plus de plaisir à réviser ». Lola, qui refuse de connaître son classement, pour ne pas annihiler sa motivation, poursuit son marathon en solitaire. Bravache, elle précise : « Je le sentais arriver. Mais ça n’a rien changé entre Ella et moi, et ça fait des potins à écouter en plus », avant d’ajouter, tendue : « J’aimerais bien aller boire des coups, mais ce n’est pas le moment », puis, fixant Ella derrière ses lunettes : « Tu n’as pas intérêt à abandonner ! ».
Impair et PASS : faites vos jeux
Recouvert par des centaines d’heures de bûcheronnage, le rêve de médecine d’Ella s’est un peu effiloché. « L’an prochain je tenterai le concours de vétérinaire », envisage-t-elle. Tout en suivant la deuxième année de licence accès santé (LAS 2) en sciences infirmières, la matière qu’elle a choisie comme mineure en PASS. En LAS 2, elle trouvera une passerelle vers la médecine, « à condition d’être dans les 10 % à 20 % meilleurs de ma promo ».
Cette équation ne tient pas pour Lola, qui a élu le droit comme mineure. « En LAS 2, je serais avec des gens qui ont déjà fait du droit à haute dose en LAS 1, et je devrais être la meilleure pour espérer entrer en médecine. J’ai aucune chance !, bouillonne Lola. En sciences et vie de la terre, ils font des herbiers. En droit, je fais des dissertations. Il n’y a pas d’égalité des chances ».
À l’unisson, les deux amies préconisent la réforme de la réforme : « Ils pourraient nous laisser le choix entre redoubler la PASS et partir en LAS ». Malgré ces obstacles, Lola serre son rêve jusqu’au bout. « Si je rate la PASS, je fais un master en psychologie. À la fin, il y a une passerelle vers la médecine ». Une tactique trop aléatoire pour Ella. « Déjà, avec médecine, on va finir à 28 ans, alors j’ai la flemme de faire un master en plus et de finir à 33 ans. Je veux être stable, avoir une famille et des enfants ».